Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/135

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de la représentation nationale, le mal serait déjà assez grand. Mais elles en ont produit un autre qui n’est pas moindre. Elles ont égaré, abaissé, gâté, abruti en quelque sorte l’espèce humaine. Elles ont fait entrer la peur, la méfiance, la haine, l’insulte, la menace, dans les mœurs des populations les plus calmes par tempérament et les mieux disposées au début de la Révolution.

Elles ont faussé l’esprit du peuple des provinces, au moment où son intelligence naturelle allait se développer et s’ouvrir à la connaissance de son droit. Elles ont souillé et flétri ce que Dieu a fait de plus pur et de plus beau, la conscience de l’homme simple ; elles ont troublé et halluciné ce qu’il a conservé de plus poétique et de plus impressionnable, l’imagination de l’homme simple ; elles ont contristé et démoralisé ce que Dieu a béni parmi les choses les plus saintes et les plus respectables, la vie de l’homme simple.

Étonnez-vous ensuite, éducateurs généreux et candides, si le peuple désabusé, après avoir bien insulté et bien menacé les républicains, se tourne contre vous pour vous demander compte de sa raison, de sa dignité, de son droit et de sa justice confisqués à votre profit ! Et s’il est rude, lui que la nature avait fait si patient ; s’il est brutal, lui qui était si doux ; s’il est furieux, lui qui était si bon, direz-vous que c’est l’effet des idées et des mœurs républicaines ?

Heureusement il est meilleur que vous, et il vous pardonnera ; mais vous jouez gros jeu avec lui, et nous craignons bien d’avoir un jour à vous défendre,