Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/141

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Tell. Il y a des bourgeois qui voudraient que l’enfant tire des flèches à son père.

C’est le contraire, mais c’est égal. L’idée n’était pas si mauvaise, et, quand on pense que, dans l’idée de certaines gens, il faut dresser la mobile à massacrer son père le peuple, cette manière-là de donner une éducation militaire à nos enfants fait dresser les cheveux sur la tête.

Nous allions toujours devant nous, suivant la manifestation, et la devançant quand elle s’arrêtait, parce que nous comptions toujours trouver une bannière qui nous aiderait à retrouver nos amis. Mais nous n’allions pas vite dans cette foule, et nous restâmes bien une heure à aller du milieu du pont jusqu’à la place de Bourgogne. Ce qu’il y a de singulier, c’est que, pendant tout ce temps-là, il ne vint à l’idée de Coquelet, ni à la mienne, que tout cela ne se faisait pas du meilleur accord. Mais, quand nous fûmes arrivés à la porte de la cour, et que nous vîmes qu’un flot de monde se jetait là dedans, tandis que d’autres entraient en escaladant les murs, cela nous donna à penser.

— Qu’est-ce qu’on fait ? disait Coquelet à tous ceux qu’il pouvait accrocher.

Mais on ne lui répondait point, ou bien on lui disait :

— C’est par curiosité que les jeunes gens grimpent sur le mur ; mais les personnes raisonnables entrent dans l’Assemblée, et défilent d’une porte à l’autre pendant qu’on lit la pétition.

— En ce cas, défilons aussi, me dit Coquelet.

Mais on nous repoussa en nous disant :