Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/142

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— Vous n’êtes pas des nôtres.

— Qu’est-ce que ça veut dire ? pensions-nous ; est-ce qu’il y a peuple et peuple ? est-ce que nous ne sommes pas du vrai et du bon ?

Coquelet recommença à se fâcher. Je lui fis observer que deux citoyens, portant chacun une bannière des clubs, avaient mis ces bannières en travers pour arrêter le flot de ceux qui voulaient entrer. Gela me parut dans Tordre, pour empêcher que trop de monde voulût entrer à la fois, et ces deux bannières croisées furent respectées.

Nous attendions notre tour quand un citoyen, qui sortait à grand’peine avec plusieurs autres, nous dit :

— Ça va bien ! l’Assemblée ne voulait pas recevoir le peuple, mais Barbès est venu lui ouvrir les portes.

— Quelle bêtise ! me dit Coquelet avec son gros bon sens. Est-ce que Barbès est le portier de la maison ? Je parie que ça ne s’est pas passé comme ça. En effet, un autre citoyen nous dit avoir vu Barbès, Louis Blanc et d’autres patriotes venir supplier le peuple de ne pas entrer de force. Un garde national nous dit encore que le général Courtais, surpris par l’arrivée de la manifestation, avait été renversé du mur où il était monté pour parler au peuple et l’empêcher d’entrer.

— Sans moi, qui étais derrière lui, nous dit-il, il se serait tué en tombant. Mes camarades et moi, nous l’avons reçu dans nos bras ; il était désespéré.

— Je vois bien, me dit Coquelet, que ça se gâte, et que le peuple n’est pas raisonnable, ou que l’Assem-