Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/162

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l’affranchissement du peuple. Un ministère spécial pour les travailleurs n’aurait pas eu plus d’initiative que l’Assemblée nationale ne compte en laisser au pouvoir exécutif, et nous eussions vu avec chagrin, soit Louis Blanc, soit tout autre socialiste avancé, assumer sur lui la responsabilité d’une lutte où l’hostilité des préventions personnelles l’eût poursuivi, contrarié, trahi, empêché, compromis, accusé à chaque instant et à tout propos.

Nous aimons bien mieux que l’Assemblée nationale, qui n’est responsable que devant le peuple, prenne sur elle toute la peine et tout le danger de l’entreprise. Ce n’est pas à dire que nous désirions la voir encore aux prises avec une manifestation qui, cette fois, serait sérieuse, universelle ; à Dieu ne plaise que nous regardions comme un bien ces ébranlements successifs qui ne réparent jamais le mal accompli ! C’est assez la mode, en politique, que chaque parti dise de ses adversaires : « Ils en feront tant, qu’ils attireront sur eux la foudre. » On a dit cela de Louis-Philippe pendant si longtemps ! La révolution de février est venue enfin pour sauver les principes et poser les bases de l’avenir. Mais tout ce qui avait été souffert durant la monarchie, toutes les larmes, tous les désespoirs de la misère, les tortures des victimes, tous les malheureux qui ont succombé à la fatigue et aux privations, tous les enfants étiolés par le travail prématuré, ou avilis par l’absence d’éducation et de protection, tout cela, hélas ! peut-il être compté pour rien ? Le mal enduré par l’humanité d’hier est-il non avenu ? L’Italie