Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/198

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progrès ; et ce n’est point un malheur incurable ni éternel, autrement il n’y aurait point de progrès véritable. Le progrès lui-même (une éducation publique meilleure) produira peu à peu des hommes à la fois plus pratiques et plus théoriciens. Il établira dans nos facultés un équilibre qui n’a peut-être jamais bien existé, ou qui, du moins, est violemment ébranlé aujourd’hui par les orages et les malheurs publics. On s’étonne de voir tant d’intelligences produire si peu par leur réunion, ce qu’isolément on avait attendu d’elles ; cela était fatal. Nous avons trop de théoriciens et trop duplicateurs. Nous n’avons pas assez de théoriciens pratiques, pas assez d’applicateurs théoriciens.

Est-il donc cependant absolument impossible de faire la synthèse du présent, et de trouver la formule de la vérité applicable aujourd’hui ? Nous sommes persuadés qu’avant peu d’années, ce problème qui nous agite et nous torture sera éclairci. Ce ne sera ni par un théoricien, ni par un homme pratique, ni par un savant, ni par un esprit inculte, ni par une secte, ni par une assemblée législative ; ce ne sera pas l’œuvre d’un homme ni d’un concile : ce sera l’œuvre de tout le monde, car les vérités ne se découvrent pas autrement.

Chacun cherche à sa manière la formule de la vie, depuis le laboureur à sa charrue, l’ouvrier à son chantier et le marchand dans sa boutique, jusqu’au philosophe dans sa cellule, au légiste dans ses livres et à l’artiste dans ses contemplations. Chacun se trompe