Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/207

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lue, erronée même, elle le peut. Il ne tiendra qu’à elle de reprendre ses droits à l’examen, et de modifier sa doctrine. Mais la loi sociale, qui ne peut point se soumettre aux opérations journalières de la conscience de l’individu, doit être à la fois plus tolérante pour le principe, plus absolue dans le fait que la loi religieuse.

La loi, dans son application, est donc quelque chose d’arrêté et d’absolu qu’il n’est permis à personne d’interpréter à sa guise dans les actes de la vie civile. C’est pour cela qu’une religion qui serait imposée par les lois civiles ou politiques serait une tyrannie à laquelle, grâce à Dieu, nous avons juré d’échapper, et ce n’est pas pour retomber sous le joug d’une théocratie que l’humanité a tant souffert et tant combattu. L’idéal religieux nous enseigne la fraternité ; la loi humaine ne peut nous prescrire l’exercice de cette vertu que jusqu’à un certain point. Elle peut sévir contre nous quand nous tuons notre frère par le meurtre, la calomnie ou la diffamation. Elle doit réprimer tous les actes extérieurs qui violent le contrat de la fraternité humaine ; mais elle ne peut atteindre nos sentiments et nos instincts dans les actes qui ne portent point directement atteinte à la vie et à l’honneur de notre semblable. Moïse a dit : Tu ne tueras point, et il a pu faire de cette prescription une loi civile. Jésus a dit : Tu ne haïras point, et il n’a pu faire de ce précepte qu’une loi religieuse. Respecte ton semblable, disait le premier. Aime-le, a dit le second. On voit la différence. Au nom de la divinité, on peut commander au sentiment ; mais c’est de Dieu seul que