Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/141

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me jettent dans une méditation que je ne veux pas éviter. Puisqu’on ne peut pas écrire dans le sens de publier, on peut écrire dans le sens de rêver ; écrire pour soi seul, c’est encore un soulagement, un soulagement plus complet peut-être que quand on écrit pour être lu.

Jacques ! dans ma pensée j’ai toujours personnifié le peuple sous ce nom ; Jacques Bonhomme, c’était le symbole de la servitude patiente au moyen âge. Le Jacques de Shakespeare semble être le plébéien éclairé de la Renaissance. Il souffre, il gémit, il proteste, il cherche l’idéal champêtre. Il n’est pas affranchi, il n’espère pas encore, il est misanthrope, et, comme les Hébreux en captivité, il suspend la harpe aux branches des vieux saules. Il est à Shakespeare ce qu’Alceste est à Molière. Il méprise les grandeurs de ce monde, il les juge et les condamne, mais il n’a pas d’autre sentiment de sa force que son dégoût et son besoin d’isolement.

Aujourd’hui les journaux de la réaction disent les Jacques, et signalent des actes de Jacquerie. Sont-ils vrais ? Je ne le crois pas. Le Constitutionnel a tant menti après les journées de juin,