Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/204

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Une demi-heure après, il remettait à madame Adam la lettre de sa fille, et, à en juger par celle que je viens de recevoir de cette dame, son bonheur est décidément complet. Plauchut devait venir me prendre ce soir pour aller dîner chez Magny, et me donner des renseignements à votre adresse. Il ne vient pas, je ne l’attends plus, et je vous donne la préférence.

En même temps que votre lettre, j’en ai reçu une de Dumas et une dizaine d’autres pour des amis, tels que Renan, Berthelot, About. Mariette, etc.. qui étaient sans nouvelles de leurs femmes et de leurs enfants, et que j’ai eu le plaisir de mettre dans la jubilation. Ces nouvelles étaient toutes excellentes, et, rassurés sur le sort de leurs familles, ils peuvent maintenant regarder en face les dangers qui les menacent à Paris. Au moment j’écris ces lignes on se bat avec acharnement du côté de Saint-Cloud. C’est la grande sortie promise depuis longtemps. Qu’elle réussisse… Ah ! voilà Plauchut ! !

Dix heures et demie. Je rentre après avoir dîné avec Plauchut chez Magny, et, ma foi, je dois avouer que lorsque ce brave et intelligent restaurateur a appris que j’apportais de vos nouvelles, il a mis les petits plats dans les grands, et nous avons fait un repas comme dans les temps antiques et solennels. Magny est venu entre la poire et le fromage (une vraie poire et du vrai fromage — parole d’honneur !) nous apporter discrètement une bouteille de romanée-conti, couchée dans un petit panier, et trois verres, tenant, disait-il — et je le crois ! — à boire à votre santé.

C’est ce que nous avons fait. J’en suis tout étourdi. J’ai alors exhibé votre lettre et l’ai lue lentement, en appuyant sur chaque mot. Plauchut et Magny fermaient les yeux, et, dans une attitude béate et méditative, absorbaient « le miel que distillaient mes lèvres «. Une fois la lecture finie, il a fallu recommencer. Puis, Plauchut, se levant