Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/66

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quand même on ne le ferait pas, la misère, arrivée à son extrême degré, ôte à l’homme toute énergie, tout instinct de révolte.

Quand la faim l’épuisé, l’homme n’est plus redoutable et on peut lui arracher le dernier lambeau qui le couvre sans qu’il ait la force de le défendre. Appellerez-vous bon citoyen l’être qui se soumet de la sorte, et factieux celui à qui un peu plus de bien-être et d’intelligence révèle la notion de son droit ?

Plus l’existence est intolérable moins on y tient, c’est pourquoi la bourgeoisie tient plus à la vie que le peuple, et ne va pas sans armes affronter des masses armées, comme fait le peuple dans les jours de crise.

Mais entre le misérable épuisé de corps et d’esprit, qui n’a pas la force de se joindre à l’émeute, et l’homme aisé qui n’y va qu’avec les moyens de la réprimer, il y a le petit propriétaire mal aisé qui tient à son mince avoir plus qu’à sa vie, et qui va, comme un troupeau en fureur, frapper du front et des épaules, les fusils et les canons de l’ordre public.

Et si l’intérêt individuel est le principal