Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/96

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mon feu et lu jusqu’à deux heures du matin l’Histoire d’Italie par Quinet. C’est beau. Mais qu’on lit mal quand on a toujours l’oreille tendue aux bruits étranges et sinistres de la nuit : rien ! un silence de mort, d’imbécillité ou de terreur. Tu ne bouges pas, vieux Jacques, tu as bien raison, ton heure n’est pas venue. Te voilà bien bas, aussi bas que possible, c’est le moment de songer à ton avenir, qui se résume dans cette parole : Sois clément !


Mercredi 3 décembre.

M’y voilà comme hier, à la même heure, dans la nuit du 3 au 4, seule au coin de mon feu, dans une chambre bien modeste, mais bien propre et assez chaude. Ah ! bien-être, que tu es nécessaire à l’homme et qu’il est amer de penser que la plupart des hommes mourront privés de tout ! En quoi ai-je mérité d’être tranquille dans ce coin avec les pieds chauds ? Est-ce parce que j’ai beaucoup travaillé ? Et tous ceux qui travaillent dans le froid, dans la misère, dans les larmes, en quoi ont-ils mérité leurs souffrances ?