Page:Sand - Tamaris.djvu/120

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céderais pas. J’étais contente et fière de ses compliments, voilà tout ; par malheur, il n’était pas comme les autres, lui, il savait parler ! Enfin j’ai été folle, et pendant deux mois j’étais contente, je ne me reprochais rien. J’endurais tous mes ennuis, je ne pensais qu’à le voir ! J’étais toute changée, un petit enfant m’aurait fait faire sa volonté. Le mari disait : « Qu’est-ce que tu as ? Je ne t’ai jamais vue si douce ! » Et il m’aimait d’autant plus, pauvre bête d’homme !… Mais l’autre s’est lassé de moi tout d’un coup. Il a dit qu’il avait eu occasion de voir Estagel, que c’était un homme de bien, qu’il était fâché de le tromper, que ça lui paraissait mal ! Qu’est-ce que je sais ? tout ce qu’on ne se dit pas quand on aime, tout ce qu’on veut bien dire quand on n’aime plus. Et moi, je ne peux pas pardonner ça, vous pensez ! Je le garderai sur mon cœur tant que le sien sera dans son corps !

— Alors, quand vous voulez vivre, c’est pour vous venger ?

— Si je dois rester laide, il faudra que je le voie mourir ! Si je redeviens jolie, je me ferai fière, j’irai dans les fêtes, je mettrai mes chaînes d’or et tout ce que j’ai, et on parlera encore de la Zinovèse, et je ferai celle qui se moque de lui, et il me reviendra ; mais je le chasserai d’autour de moi comme un chien, et il vivra pour me regretter.

J’essayai de calmer par le raisonnement cette âme