Page:Sand - Tamaris.djvu/123

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— Vous êtes donc maître Pierre Estagel ? Eh bien, votre femme a besoin d’être soignée ; mais il y a de la ressource.

Le garde-côte secoua la tête.

— Elle se donne trop de mal, dit-il, elle n’a pas de repos, et Dieu sait qu’elle n’est pourtant pas obligée de se tourmenter : nous avons bien de quoi vivre ; mais c’est une pauvre femme qui voudrait toujours ce qu’elle n’a pas, et qui ne se contente jamais de ce qu’elle a.

Il resta pensif. C’était un homme doux, mais peu expansif, habitué à la solitude, au silence par conséquent. Je vis qu’il fallait le questionner : moyennant quoi, je sus toute l’histoire de sa femme. Elle avait été riche. Son père était patron d’une grosse barque de pêche et propriétaire de deux autres. Un coup de mer avait brisé toute sa fortune. Estagel l’avait aidé à se sauver lui-même, et il avait apporté au rivage Catarina (la Zinovèse), demi-morte de peur et de froid. Elle était venue là en partie de plaisir avec son père, comme cela lui arrivait souvent. Elle était déjà connue pour sa beauté et sa belle danse aux pèlerinages de la côte. Il y avait donc près d’un an qu’Estagel l’avait remarquée. En la voyant ruinée et désolée, il lui offrit le mariage, qu’elle accepta sous le coup du découragement ; mais elle se flattait d’un héritage qui leur échappa. On sait le reste, la Zinovèse me l’avait dit. Le mari