Page:Sand - Tamaris.djvu/144

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aimé, — car les femmes, si austères et si haut placées qu’elles soient, ne nous demandent pas autre chose que de les aimer ardemment et naïvement. Eh bien, quelle est la position de madame Martin ? Tout fait pressentir dans les réticences de ses confidents une grande fortune et une haute naissance. Pourra-t-elle vous épouser, et le voudrez-vous ? Non, votre fierté, votre dévouement pour elle s’y refuseront ; car, en vous épousant, elle attirera peut-être des malheurs très-grands sur elle-même. Dans certaines familles, la veuve est tenue de ne pas se remarier, ou de perdre la tutelle de son fils. La voilà donc ruinée, séparée peut-être de cet enfant qu’elle idolâtre, ou bien forcée de vous éloigner, et mourant de chagrin ni plus ni moins que la très-placide et très-bornée mademoiselle Roque, ou que la très-illettrée et très-emportée Zinovèse. Vous viendrez me dire alors, comme je vous disais tout à l’heure : « Comment cela se fait-il ? Je vous jure bien, ajouterez-vous, qu’en allant tâter le pouls à son marmot, je ne croyais pas en venir là, et lui causer tout le mal qui lui arrive. Certes je n’ai pas prévu, je ne m’attendais pas… » Et moi, votre confident, si je vous réponds alors : « Mon cher, c’est votre faute ; il fallait prévoir, il ne fallait pas y retourner, il ne fallait pas être jeune, il ne fallait pas voir qu’elle est belle ; enfin tant pis pour elle et tant pis pour vous ! » si je vous dis tout cela, mon cher docteur, ne penserez-