Page:Sand - Tamaris.djvu/145

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vous pas que je suis un orgueilleux sans pitié et un ami sans entrailles ?

La vive déclamation de la Florade portait si juste à certains égards, qu’elle me troubla beaucoup intérieurement ; mais je n’en fus pas atterré, et ma réponse était toute prête dans ma conviction et dans ma bonne foi.

— Tout ceci serait parfaitement raisonné, lui dis-je, si l’édifice ne péchait par la base. Vous commencez toujours par établir qu’on est autorisé à manquer de raison et de volonté en amour ; je n’admets pas cela, moi. Supposons tout ce que vous voudrez à propos d’une femme quelconque, car je me refuse absolument à faire intervenir dans nos thèmes celle qu’il vous a plu de nommer, et que je connais trop peu pour pouvoir me permettre…

— Passons, passons !… Supposons qu’elle s’appelle madame Trois-Étoiles.

— Madame Trois-Étoiles étant donnée, je suppose que j’en devienne épris. Sachant fort bien d’avance que je ne puis que l’offenser en laissant paraître mon enthousiasme, il me paraît très-simple de m’abstenir de toute émotion apparente, et, si je ne suis pas capable de cela, je ne suis qu’un enfant sans raison ! Mais supposons que je sois cet enfanl-là. Madame Trois-Étoiles, pour peu qu’elle ne soit pas folle, se dira : « Cet ingénu n’est pas mon fait ; je suis une femme de bien, et je n’irai pas risquer mon