Page:Sand - Tamaris.djvu/150

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vis-à-vis de ce groupe, enlevaient légèrement le canot, qui filait comme une mouette.

Je quittai brusquement Nicolas et la longue-vue, et je descendis à la noria située dans le rocher au revers du côté maritime. C’était comme une petite cave profonde à ciel ouvert, tapissée de lierre et de plantes grasses rampantes à grandes fleurs blanches et roses. Là, bien seul, je maîtrisai mon mal. La Florade s’était introduit dans l’intimité de la marquise. Certes, il l’aimait déjà… Avais-je mission de la protéger contre lui ? Et, d’ailleurs, n’était-il pas capable de la bien aimer, lui avide d’idéal, intelligent, sincère et doué d’un charme réel ? À quoi bon lutter contre les mystérieuses destinées ? « Elle est seule, elle est austère, avait-il dit ; elle a besoin d’aimer, c’est fatal : elle aimera dès qu’elle sera aimée. » Eh bien, pourquoi non ? Si une mésalliance compromet son avenir, ne trouvera-t-elle pas dans la passion d’un homme enthousiaste et charmant des compensations infinies ? Faut-il qu’elle ignore l’amour parce qu’elle est mère ? Et qui prouve que cet enfant n’aimera pas la Florade avec engouement et ne luttera pas pour lui avec elle ? Il l’aime aujourd’hui pour sa figure riante, pour son uniforme et son canot. Ce qu’il rêve déjà, c’est d’être marin, je parie ! Demain, il l’aimera pour ses tendres caresses et ses fines gâteries… Il ne connaît de moi que la tisane et les cataplasmes ! Vais-je donc être jaloux de Paul ?…