Page:Sand - Tamaris.djvu/161

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l’objet ; mais, comme il ne se souciait d’aucun culte, il la laissa pratiquer l’islamisme avec ces deux femmes, en exigeant qu’elle fît de temps à autre acte de présence à l’église catholique. Il est résulté de ce système un mélange très-extraordinaire des deux religions dans l’esprit de cette fille, qui a des instincts très-mystiques, qui se signe avec ferveur au nom de Mahomet, et qui professe une dévotion passionnée pour la Vierge et les saints. Elle adore les pèlerinages, et ce qui l’a décidée à sortir avec moi, c’est que je lui ai promis de la mener à la chapelle de Notre-Dame-de-la-Garde, que, de sa fenêtre et depuis qu’elle est au monde, elle voit à l’horizon en se persuadant qu’elle en est aussi loin que de l’Afrique. En même temps, elle prie et célèbre les fêtes en secret avec sa négresse selon les rites du Coran, qu’elle sait par cœur, et toutes ses idées sont d’une islamite passive et fataliste.

— Vous comprenez et vous résumez fort bien mademoiselle Roque ; mais je ne vois pas quel rapport vous établissez entre elle…

— Et le lieutenant la Florade ? Attendez donc ! Mademoiselle Roque, ou plutôt Nama, car l’Hindoue domine en elle, a une peur effroyable des chrétiens. Cela se comprend : elle n’a reçu d’eux que des menaces et des insultes ! Aussi, pour peu qu’un ou une de nous s’humanise et la traite avec bonté, elle est reconnaissante comme un pauvre chien perdu et