Page:Sand - Tamaris.djvu/183

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ner à Toulon. Je restai là, enfermé durant trois jours et trois nuits dans une maison pauvre et sombre, livré à un grand ennui, faute de livres et d’occupation forcée. J’en profitai pour causer beaucoup avec ma raison et avec ma conscience. La nature est bonne et maternelle ; mais la locomotion solitaire nous exalte, et ces arrêts forcés dans le hameau de Turris me rendirent la gouverne de mon être moral et intellectuel.

On sut vite que j’étais médecin, car je soignai les malades de la maison, et, le troisième jour, sitôt que la pluie s’arrêta un peu, je vis accourir tout le village. Je n’attendis pas que le ciel fût éclairci : le baron devait arriver le soir même. Je louai un cheval, j’empruntai un manteau, et je courus à Toulon m’assurer d’une voiture fermée pour conduire mon vieux ami à Tamaris par la route qui longe la rade de la Seyne ; la houle lui eût rendu le trajet par mer trop pénible.

Le baron, aussitôt qu’il m’eut serré dans ses bras, me regarda attentivement.

— Qu’as-tu ? me dit-il. Tu es malade ?

— Nullement, mon ami.

— Mais si ! Tu es très-changé. D’où sors-tu ?

— Je viens de passer trois nuits dans un mauvais gîte et de faire quatre lieues sur un mauvais cheval, par un très-mauvais temps ; voilà tout.