Page:Sand - Tamaris.djvu/185

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le souvenir de la Florade ne m’en eût fait redouter la durée !

Je croyais un peu rêver en dînant avec la marquise et le baron, dans une salle chaude et bien éclairée, au sortir de ce triste gîte de Turris, où j’avais fait de si durs retours sur moi-même ; mais je m’étais préparé au péril, et je ne pouvais plus oublier qu’il fallait fuir. Ni la marquise ni le baron n’étaient préparés à ma résolution, et j’étais en tiers dans tous leurs projets de doux voisinage et de promenades. Je ne crus pas devoir les détromper encore. Je comptais inventer une lettre de mes parents et partir sans annoncer que je ne reviendrais pas.

La marquise remarqua aussi que j’avais l’air souffrant : elle m’interrogea plusieurs fois avec intérêt, et il me sembla qu’elle aussi était changée. Sa figure et ses manières n’étaient plus aussi confiantes, ou bien quelque chose avait altéré son calme élyséen. Il n’y paraissait pas avec le baron, pour qui elle était d’une touchante coquetterie de cœur ; mais avec moi elle n’était plus la même. Plus affectueuse peut-être, elle me semblait avoir moins d’abandon. Il y avait comme un secret entre elle et moi. Il me vint des frissons en dînant, et, après le dîner, je sentis un grand mal de tête ; cependant je n’en parlai pas. Je voulus attendre le moment où elle se retirerait, afin de la reconduire, de tenir le parapluie, s’il pleuvait encore, ou de porter Paul, si les bras manquaient.