Page:Sand - Tamaris.djvu/199

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et, quand cet homme riche et bien né s’est éteint au milieu des agitations politiques d’un règne nouveau, personne ne s’en est aperçu.

» Ceci t’explique comment la marquise, n’ayant plus de son côté aucun proche parent et ne trouvant, dans la famille en partie éteinte de son vieux mari, aucun appui et aucun obstacle, a pu mettre ordre à ses affaires, quitter un monde qui se disloquait sans songer à elle, et venir ici achever son deuil avec le désir et le projet de se retirer tout à fait dans une vie d’entière liberté maternelle.

Après ce récit, le baron me parla de l’avenir de la marquise avec un épanchement complet, et je me prêtai à ces confidences de manière à le confirmer dans l’opinion d’un entier désintéressement de ma part. On se rappelle qu’en lui écrivant de longues lettres, où je lui parlais d’agitations intérieures et de victoires remportées sur moi-même, je ne lui avais fait pressentir en aucune façon que la marquise pût m’inspirer jamais une folle passion ; c’est à ce point qu’il avait accusé en lui-même l’inoffensive beauté de mademoiselle Roque de porter le trouble dans mes esprits, et que depuis quelques jours seulement il en était dissuadé. Était-ce donc pour me sonder et m’observer sur un autre point qu’il me parlait ainsi à cœur ouvert de madame d’Elmeval ? Cet examen n’eût pas été d’accord avec la franchise nette et ferme de son caractère et de ses habitudes.