Page:Sand - Tamaris.djvu/218

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ou le reflet de l’homme intérieur, il faut reconnaître pourtant un grand nombre d’exceptions, et à première vue le baron en était une. Il était petit, maigre et assez bien proportionné ; mais sa figure, franchement laide, comme il le proclamait lui-même en toute occasion, faisait naître l’idée d’un esprit très-vulgaire et d’une âme sans élévation. Il avait les traits vagues, avortés pour ainsi dire, l’œil terne, le regard distrait, le sourire sans expression. Cela tenait à des excès de travail et à de longues veilles qui avaient fait arrêt de développement dans sa jeunesse. Plus tard, il avait lutté contre deux ou trois maladies graves avec un grand courage, une remarquable patience, et sans que l’activité de l’esprit parût en avoir souffert. Sa vie était donc le résultat de victoires remportées autant par sa volonté que par les secours de l’art, et sa figure annonçait une fatigue dont l’âme ne se souvenait plus, mais dont elle gardait l’empreinte ineffaçable.

Quand on connaissait le baron, quand on l’avait étudié à toute heure, on arrivait à découvrir dans sa physionomie terne le rayon de son esprit toujours vif et clair, l’énergie toujours soutenue de sa vitalité physique et artificielle, mais durable. Le sourire qui effleurait à peine ses lèvres flétries, le regard qui passait comme un éclair dans ses yeux myopes, avaient une grande signification et même un grand charme. Il fallait les saisir au vol, les deviner peut-