Page:Sand - Tamaris.djvu/228

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grin, cet enfant, et il est si bon !… Mais j’oublie que tu es mon enfant aussi, et que je veux te tutoyer. Au revoir, j’entends le premier coup de ton dîner qui sonne à la maison Caire. Renvoie-moi mon possédé ; je veux savoir comment le baron l’aura reçu.

Le baron n’avait pas aperçu la Florade.

— Est-ce qu’il va venir tous les jours ? me dit-il avec un peu de sécheresse.

Je lui répondis que la Florade, étant chez Pasquali, avait annoncé vouloir lui demander un conseil ou un service. Je ne crus pas devoir m’expliquer davantage. M. de la Rive s’étonna un peu de mon silence, et puis tout à coup, pendant le dîner, et comme si sa pénétration l’eût fait lire dans ma conscience, il répondit de lui-même à mes pensées :

— Tu diras ce que tu voudras (je ne disais quoi que ce soit) ; je ne ferai jamais grand fonds sur les hommes qui ne savent pas se vaincre. C’est peut-être la manie d’un pauvre petit vieux qui a passé sa vie à souffrir et à s’en cacher pour ne pas attrister les autres, mais je ne peux faire cas que de ceux qui ont ce courage-là. La vie ne se passe pas à se jeter dans l’eau ou dans le feu pour ceux qu’on aime : elle se passe en petits maux et en petites tristesses de tous les instants, dont il faut leur épargner le spectacle ou la contagion. Faut-il que personne ne dorme quand nous ne pouvons pas dormir ? Et ne sommes-nous pas à moitié guéris déjà de nos souffrances quand