Page:Sand - Tamaris.djvu/313

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quoi séparer les deux seules destinées que j’aie pu juger dignes l’une de l’autre ? Je vous ai dit que, le jour où vous rencontreriez l’homme de bien et l’homme de cœur réunis, comme vous risquiez fort de ne pas en rencontrer un autre de sitôt, vu qu’il y en a peu, il fallait, sans hésiter et sans regarder à droite ni à gauche, l’arrêter au passage et lui dire : « À moi ton cœur et ton bras ! » Cet homme-là, vous le tenez, ma chère Yvonne ; il vous adore, et s’imagine avoir si bien gardé son secret, que personne ne s’en doute. Et il se trouve que vous gardez si bien le vôtre, qu’il ne s’en doute pas non plus. Je suis content de vous voir ainsi comme frappés de respect à la vue l’un de l’autre ; mais vous commencez à souffrir, et je me charge de lui. Il saura demain… » Voyons, ne t’agite pas ainsi, ne saute pas par les fenêtres, écoute-moi jusqu’au bout ! Je devais te parler le lendemain ; les tragédies prévues se sont précipitées en prenant un cours imprévu. La marquise, par une superstition bien concevable, n’a pas voulu qu’il fût question d’avenir sous de si tristes auspices, et moi, par vanité paternelle, par orgueil de mon choix, je n’étais pas fâché de lui laisser voir que tu étais capable de la servir sans espoir et de l’aimer sans égoïsme. Tu as souffert beaucoup dans ces derniers temps, je le sais ; mais j’avais du courage pour toi en songeant aux joies qui t’attendaient. Tu es tranquille sur ton malade, et moi aussi, je suis sûr de sa