Page:Sand - Tamaris.djvu/53

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Mademoiselle Roque me fit cette réponse avec un sang-froid tout fataliste, et elle ajouta en bonne chrétienne : « Dieu lui pardonne ! » du ton dont elle aurait dit la phrase sacramentelle des Orientaux : « C’était écrit. »

— Vous ne savez donc pas ? reprit-elle en voyant ma surprise. Je croyais qu’on vous l’aurait dit en confidence. On l’a caché parce que les prêtres lui auraient refusé la terre sainte, et parce que le peuple d’ici aurait peut-être brûlé la maison. Ils ont bien assez crié contre nous dans le pays, parce que ma mère était de la religion de ses pères. Ils auraient dit que c’était la cause du péché de suicide commis ici. Vous voyez qu’il ne faut pas en parler à ceux qui n’ont rien su.

— Je m’en garderai bien ! mais M. Roque avait donc quelque grand chagrin ?

— Non, il s’ennuyait. Il disait qu’il avait assez vécu. Il avait la goutte, il ne pouvait plus sortir, il n’avait plus de patience. Voulez-vous voir ce qu’il a écrit avant de mourir ?

— Oui ; si c’est quelque disposition en votre faveur, je vous réponds que ma famille la respectera, fût-elle illégale.

— Oh ! il n’est pas question de moi, reprit mademoiselle Roque en tirant d’un sachet de soie parfumé un papier maculé de sang qu’elle toucha sans frémir. Je lus ces mots :