Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/140

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l’avenir qu’invoquait tout à l’heure ta pensée. Montrez-vous à lui dans son rêve, maîtres illustres, et soutenez par vos paroles son âme défaillante. Dites-lui qu’il ne se berce point d’une vaine illusion en croyant à la dignité humaine. Dites-lui que la vérité est de tous les temps, et qu’elle grandit dans la nuit des âges, comme la lumière d’un flambeau. Venez les premiers, pères de l’antique tragédie, poètes primitifs : Eschyle, Sophocle, Euripide ! et que l’éternel oracle de la sagesse retentisse dans le cœur des hommes nouveaux.

ESCHYLE.

Les dieux, a-t-on dit, ne daignent pas s’occuper des hommes qui foulent aux pieds la gloire des plus saintes lois. Parler ainsi, c’est être impie. Ils l’ont vu plus d’une fois, les neveux de ceux qui respiraient l’injustice, enivrés de l’excès d’une funeste opulence. Ne possédons que des biens sans péril. Le nécessaire, c’est la sagesse. La richesse est un faible rempart pour l’homme qui a renversé d’un pied insolent les autels de la justice.

La justice conserve son éclat, même dans les chaumières enfumées. Mais l’or et la fortune, quand les mains sont souillées, n’arrêtent point ses regards. Elle fuit, elle cherche une plus sainte demeure !

Que jamais la discorde, insatiable de crimes, ne fasse entendre ses frémissements dans la cité des hommes libres ! Que jamais le sang des citoyens n’abreuve la poussière, et que jamais, pour venger le meurtre, le meurtre ne se redresse dans Athènes ! Que l’intérêt de l’État l’emporte dans les cœurs, que les citoyens soient pleins d’un mutuel amour. L’union est le remède de tous les maux chez les mortels !

SOPHOCLE.

Que ne puis-je me transporter dans le lieu que le bras des vaillants combattants fait retentir du cliquetis des armes de la délivrance ! J’envie le bonheur de tout ce qui sera témoin de leur gloire. Ô vous qui périssez pour la défense de vos autels domestiques, votre tombeau sera toujours contre l’ennemi un rempart plus redoutable que mille combattants.