Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/180

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point empiré, depuis que je ne vous ai vue d’aussi près ; vous êtes encore fraîche comme une guigne, et je ne m’étonne point que défunt maître Blanchet eût perdu l’esprit à cause de vous !

SÉVÈRE, à part.

Je vois ce que c’est ; on me flatte, on a peur. (Haut.) Voyons, c’est-il par malice, ou par enjôlerie, que tu me contes ces sornettes-là ? Crois-tu que je ne sache pas où tu veux en venir ?

FRANÇOIS.

Oh ! pouvez-vous dire ça ! Vous savez bien que, pour de la malice, je n’en ai jamais été cousu… Vous vous mettez dans l’esprit que je vous demande grâce pour cette pauvre madame Blanchet, qui a son sort entre vos mains, et que je voudrais vous amener à un petit arrangement ? La vérité est que cette femme est malheureuse, et qu’il ne dépendrait que de vous de la mettre sur les chemins, une besace au dos et un bâton de misère à la main.

SÉVÈRE.

Sans doute, il ne tient qu’à moi. (À part.) Et c’est à quoi je ne manquerai point, si je puis.

FRANÇOIS.

Oh ! vous ne feriez point une pareille chose ! vous avez le cœur trop bien placé, et vous ne voudriez point non plus lui subtiliser l’amitié de sa petite belle-sœur, qu’elle aime comme son enfant, et qu’elle élève depuis quasiment cinq ou six années.

SÉVÈRE.

Ah ! nous y voilà !… Nous savons tous que la petite a du bien, qu’on serait assez aise d’en conserver la tutelle pour parer à de gros embarras, sauf à lui rendre des comptes plus tard, comme on pourra ! On voudrait bien l’empêcher de venir chez moi, parce qu’elle risque d’y rencontrer galant à son gré, et que le plus tard on la mariera, le plus longtemps on verra reluire ses écus ; mais la petite a une bonne tête. Dieu merci, on ne la renfermera pas comme un oiseau dans une cage. Elle n’a ni père ni mère, elle fait ce qu’elle veut