Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

FRANÇOIS.

Bien vrai, elles vont tout au rebours !

MADELEINE.

Tu vois bien, tu as du dépit ; mais, moi, je t’assure que Mariette n’aime point Jean Bonnin, et qu’elle ne se retourne vers lui que par un dépit pareil au tien. Est-ce que je ne vois point ce qu’il y a au fond de vos petites fâcheries ? Va, c’est un grand bonheur pour moi de penser qu’elle t’aime, et que, marié à ma belle-sœur, tu demeureras près de moi et seras dans ma famille ! que je pourrai, en vous logeant, en travaillant pour vous, en élevant vos enfants, m’acquitter de tout le bien que tu m’as fait ; par ainsi, assure-moi donc ce bonheur-là, et guéris-toi de ta jalousie. Si Mariette aime à se faire brave, c’est qu’elle veut te plaire ; si elle est devenue un peu fainéante, c’est qu’elle pense trop à loi ; et si elle me répond avec un peu d’humeur, c’est qu’elle a du souci, et ne sait à qui s’en prendre ; mais la preuve qu’elle est bonne et qu’elle veut être sage, c’est qu’elle te souhaite pour son mari.

FRANÇOIS.

C’est vous qui êtes bonne, madame Blanchet ; car vous croyez à la bonté des autres, et vous êtes trompée. Tenez, je ne suis pas venu ici pour vous y apporter la brouille et la défiance ; mais vous m’obligez à vous dire que cette fille ne vous aime point ; et vous pensez après cela que je peux l’aimer ? Allons ! c’est vous qui ne m’aimez plus…

MADELEINE.

Eh bien, François, qu’est-ce que ça veut dire ! C’est la première fois de ta vie que tu me fais des reproches. Ne t’en va donc pas comme ça ; ce serait mal, vois-tu, et il ne faut pas se quereller avec une mère, comme on peut le faire avec une amoureuse.

Elle va s’asseoir dans le fauteuil.
FRANÇOIS, au fond.

Oh ! vous en connaissez la différence mieux que moi. Laissez-moi prendre l’air, madame Blanchet, je reviendrai tout à l’heure ; mais, pour le moment, je me sens affolé de chagrin.