Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/239

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fauveau, se levant, à Claudie.

Vous, vous parlez sagement, ma fille. Si vous avez fait un accord avec mon garçon, je ne reviendrai pas sur sa parole et ne le blâmerai point sur son bon cœur. C’était une charité à vous faire ; vous êtes malheureux ; il a bien agi ! Il n’y a guère de monde qui ferait ces marchés-là pas moins ! On sait bien que deux faucilles dans un sillon, dans une rège, comme vous dites, ça embarrasse et que ça détence[1] les autres coupeurs plus que ça ne les aide ; mais enfin…

sylvain, se trouvant à la droite de son père.

Mon père, je vous ferai observer que votre jambe malade ne vous a point souffert de venir aux champs pour voir comment l’ouvrage marchait mais je l’ai vu, moi ! J’ai moissonné toujours en tête de la bande, et je vous atteste que cette jeunesse-là travaille autant qu’un homme. Elle serait morte à la peine si, à chaque fin de rège, son père n’eût point pris sa place. Par ainsi, à eux deux, l’un se reposant quand l’autre travaille, ils avancent autant et plus qu’un fort ouvrier. C’est pourquoi je vous dirai qu’en considération de leur pauvreté, de leur fatigue et de leur grand cœur à l’ouvrage, vous agiriez comme un homme juste que vous êtes en leur payant la journée à raison de trois francs, et si vous vouliez être encore plus juste, juste comme le bon Dieu, qui mesure son secours à la misère d’un chacun, vous les payeriez comme un et demi !

fauveau., avec humeur et élevant la voix.

C’est ça ! et puis comme deux, peut-être ! Es-tu fou, Sylvain, de me pousser comme ça. Tu veux donc ma ruine et la tienne que tu soutiens mes ouvriers contre moi ?

rémy, les arrêtant du geste.

Pas tant de paroles ! Merci pour votre bon cœur, maître Sylvain mais ça serait une aumône et nous ne la deman-

  1. On a écrit le mot comme il se prononce ; mais la véritable orthographe serait détempser, faire perdre du temps.