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Scène V


MOLIÈRE, ARMANDE.


ARMANDE, dans le costume d’Elmire.

Vous direz ce que vous voudrez, mais mon habillement est pour faire horreur, et je n’ai point été applaudie en entrant en scène.

MOLIÈRE, railleur et triste, se parlant à lui-même.

Le roi, la Fronde, l’avenir !… et la toilette de ma femme ! (À Armande.) Fort bien ! vous me remettez sur mes pieds. Vous m’en voulez donc bien de vous avoir fait changer de costume ? Vous vouliez représenter une bourgeoise dans les habits d’une princesse, et une convalescente qui sort de son lit avec des fleurs et des diamants comme une personne qui revient du bal !

ARMANDE.

C’eût été invraisemblable si vous le voulez ; mais la première condition, c’est de plaire, et l’on n’applaudit point à ce qui est désagréable à voir.

MOLIÈRE.

Si vous êtes applaudie pour vos bijoux, tout l’honneur en revient à votre joaillier. Mais laissons ces enfantillages. Dites-moi comment va la pièce.

ARMANDE.

Eh ! vraiment, je n’en sais rien. Je ne m’en suis point occupée. Que n’y assistez-vous vous-même ? Pourquoi m’appelez-vous ici ?

MOLIÈRE.

Ah ! je manque de courage au moment de la lutte suprême : ceci est l’affaire décisive de ma vie, Armande ; ce n’est plus une question d’amour-propre, encore moins d’argent. C’est une question de vie et de mort pour la liberté de ma pensée et pour celle de tous les écrivains qui suivront mes traces.