Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/447

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MOLIÈRE.

Je le ferai. Tranquillisez-vous.

ARMANDE.

Quant à votre mal, il faut vous en distraire, n’y point songer, faire comme moi qui, Dieu merci, suis plus malade que vous et partirai la première…

MOLIÈRE.

Vous malade ? Ah oui ! c’est votre nouvelle fantaisie ! Depuis quelque temps, l’on se dit souffrante, et l’on prend toute sorte de juleps comme messire Orgon que nous représentions tout à l’heure. On est toujours belle et fraîche comme à vingt ans ; on a les roses d’un éternel printemps sur les joues, et l’on se plaint de vapeurs et de petits maux qui servent de prétexte à l’envie qu’on a de se distraire au dehors et d’imposer sa volonté au dedans.

ARMANDE.

Quoi ! mon ami, toujours des reproches, et lorsque je souffre si cruellement ?

MOLIÈRE.

Des reproches ! si vous l’entendez comme plaintes de la jalousie, vous vous trompez, Armande. Ces plaintes-là, je les ai si bien refoulées dans mon cœur, qu’elles y sont mortes : ne remuez donc point les cendres de ma passion. J’ai vaincu en moi ce légitime égoïsme de l’amour qui, mettant toutes ses joies, toutes ses pensées, tous ses soins dans l’objet aimé, se croit en droit d’exiger les mêmes retours. Vous, toujours égale et fière dans votre liberté, vous m’avez laissé impitoyablement dans mes peines. J’ai appris à les supporter. Assuré de votre vertu, j’ai fait taire les délicatesses de mon exigence ; mais ne croyez pas pour cela que je vous retire un blâme que j’ai plus que jamais le devoir de vous faire entendre. Notre honneur devait être chose commune, et, si vous avez conservé le vôtre, vous n’avez point préservé le mien. Vos plaintes, vos confidences intimes à deux ou trois cents personnes, ont rendu publique ma jalousie et votre hardiesse à la braver. Croyez-vous que les calomnies dont vous vous plaignez au-