Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/235

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de ma connaissance, mais que j’étais libre d’en disposer à mon gré, et que je vous donnerais la préférence de bon cœur. Je vous répète ce matin qu’il n’y a pas à hésiter, vu que je pars pour Naples tout de suite, et que, si vous n’êtes présentée par moi, vous ne serez pas admise.

FLORA.

Vous partez tout de suite ?

LE PRINCE.

Mais oui, me voilà en route. J’ai laissé ma voiture à trente pas d’ici ; j’y ai même fait mettre à tout hasard quelques paquets pour vous. Je croyais que c’était une affaire arrangée… Voyons, est-il vrai, oui ou non, que vous soyez malheureuse dans votre famille ? Vous vous faites passer pour une victime ; je n’en sais rien, moi !

FLORA.

Oh ! je suis malheureuse, n’en doutez pas… Je meurs, j’étouffe ici !

LE PRINCE.

Non, vous éclatez.

FLORA.

Tout pour elle ! toujours elle ! Ce n’est pas seulement en public, c’est partout, c’est tout le monde !

LE PRINCE.

Dame ! vous êtes jolie ; elle en souffre peut-être…

FLORA.

Ah ! que n’ai-je le droit de haïr Camille !… Mais elle affecte avec moi une douceur… des airs de supériorité, de faiblesse maternelle… Et, si j’en rougis, si j’en suis humiliée, on me fait passer pour un monstre d’ingratitude. Et le maestro ! je le hais, lui ! Je hais les stupides remontrances de la Nina. Je hais Milan, ce public impitoyable qui me lorgne et ne m’écoute pas ! Je hais cette maison où l’on me renferme… par jalousie, peut-être. Non, je ne peux pas vivre ainsi, moi, c’est impossible ! Il me faut la liberté, il me faut un autre air que celui que je respire, un autre monde, un autre ciel. Tenez, emmenez-moi si c’est possible, ne me laissez pas réflé-