Page:Sand - Theatre complet 2.djvu/97

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langue que des interjections, Oimé ! Diavolo ! Per Dio ! etc. Le docteur Baloardo et Cinthio eurent beaucoup de peine à s’y faire. Fiorelli-Scaramouche ne s’y fit jamais de grand gré, et resta, par-dessus tout, un muet-inimitable.

Cette troupe, qui comptait d’admirables talents, des esprits féconds, spontanés, beaux diseurs, érudits dans leur genre, parlait, en somme, un français plus piquant que correct. Ils se rachetaient à force de verve et de savoir. Ils avaient la tradition de certaines scènes, de certaines plaisanteries, de certaines situations, dont les origines sont insaisissables, et dont Molière, le divin Molière, ne se fit pas faute, et il fit bien. C’était, en réalité, quelque chose qui n’appartenait plus à personne à force d’appartenir à tous, et qui pouvait aussi bien remonter aux improvisations comiques de l’antiquité romaine, que descendre immédiatement des improvisateurs français du pont Neuf. À ces richesses de la tradition, qui ne s’appelaient pas des comédies, mais tout simplement des scènes à l’italienne, la troupe des Italiens de Louis XIV, et, plus tard, celle de la Régence qui devint troupe de la foire, joignirent leur inépuisable fonds personnel d’improvisation. Ils imaginèrent, moitié par spéculation, moitié par un secret dépit national qui leur tenait au cœur, de laisser un monument de leur existence qui attestât les emprunts triomphants de Molière. Mais le goût du public, devenu exigeant, leur imposait une forme arrêtée. Ils se firent faire des pièces de théâtre par M. Palaprat, par M. Lanoue et par plusieurs autres, qui essayèrent de coudre les principales scènes traditionnelles et d’en écrire le dialogue dans l’esprit du genre. Ces pièces furent mauvaises, le langage en est incorrect, en italien comme en français. Ghérardi écrivit aussi des scènes ; il fut aidé on ne sait trop par qui. Bref, le recueil de ce répertoire, qui n’est lui-même qu’un petit fragment détaché de la grande école primitive, existe et n’est bon à rien, si l’on n’y jette qu’un coup d’œil rapide et superficiel.

Cependant, tel qu’il est, c’est encore un trésor pour celui qui cherche, pressent et devine. Si l’on veut éliminer le ba-