Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée




Scène V


BERNARD, seul.

Excellent homme ! oui, jusqu’à la dernière lueur d’espérance, j’attendrai debout le coup qui doit briser ma vie. Tout sera dit, tout sera fait dans quelques heures ! (Il reste assis sur le fauteuil de gauche, immobile, les yeux ouverts, perdu dans ses pensées. Les rideaux du lit s’écartent doucement derrière lui. Jean le Tors, pâle, maigre, effrayant, enveloppé d’un mauvais manteau incolore, et la tête nue, se glisse sans bruit, cherche des yeux le pistolet que Marcasse a jeté au milieu de la chambre, le voit, souffle la chandelle qui a été laissée sur un petit meuble entre le lit et la porte ; puis il se baisse, ramasse en rampant le pistolet, le cache de la main droite, et fait de l’autre main un geste de menace en regardant Bernard. En ce moment, Bernard le voit, tressaille d’horreur et reste comme pétrifié. Le spectre se lève et grandit devant lui en le tenant fasciné ; puis il recule jusqu’au panneau de droite, où il disparaît par une porte secrète pratiquée dans la boiserie. Alors, Bernard s’élance sur le panneau, le touche, le pousse en vain, puis s’arrête, passe sa main sur son front, et revient vers le fauteuil.) Ah ! c’est horrible ! cette vision !… Est-ce que je perds la raison, moi ?




Scène VI


BERNARD, MARCASSE, revenant avec une lumière.


BERNARD.

Quoi donc, Marcasse ? que veux-tu ?

MARCASSE.

Je venais… Mais qu’est-ce que vous avez donc ? Vos yeux sont fixes, vos mains glacées ! Vous n’avez pas dormi ?

BERNARD.

Non ! c’est pire ! j’ai rêvé tout éveillé ! je me sens baigné d’une sueur froide Marcasse, sortons d’ici !