Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/118

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a fait tout-puissant comme lui-même, en doit être le seul juge.

BERNARD.

L’amour ?…

EDMÉE.

Oui, Bernard ! je t’ai toujours aimé ! Je t’ai aimé dès le premier jour, avec tes défauts, avec ton ignorance, avec tes fureurs ! si je ne te l’ai pas dit alors, c’est que je craignais de le voir… (montrant son père), lui, malheureux par ta violence et par ma faiblesse. Je t’ai donné des leçons bien dures… elles m’ont fait plus de mal qu’à toi ; pardonne les blessures que tu as reçues de la sœur et de la mère, et, puisque ni le temps ni le malheur n’ont détruit ton amour, puisque le mien a rendu ta domination légitime, vois l’amante contre ton cœur et l’épouse à tes pieds !

Elle se jette dans ses bras et se laisse glisser à ses genoux. Bernard la relève avec transport.

BERNARD.

Relève-toi, ma noble Edmée ! celui que tu aimes est digne de toi ! Oh ! à présent, je pourrais mourir sans me plaindre ; mais je veux vivre, je vivrai ! je vaincrai la destinée. Je sens bouillonner en moi comme une lave les transports de joie de la dignité humaine et de la force triomphante ! (Avec exaltation.) Ruines maudites ! vous vous relèverez sous une main puissante et pure ! Je suis le rejeton vigoureux qui montera vers le ciel, tout gonflé d’une sève bénie, et dont le vaste ombrage étouffera les hideux souvenirs du passé ! Moi, fuir ? Allons donc ! Au nom du Dieu vivant, je jure que j’ai horreur du crime dont on m’accuse !

LE CHEVALIER, étendant la main sur la tête de Bernard.

Enfin…, ceci est l’accent de la vérité.

Avant la fin de cette scène, à laquelle ils viennent prendre part, Patience et Marcasse ont été plusieurs fois vers le fond, ou sur la plateforme avec un redoublement de préoccupation.