Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/189

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FLAMINIO.

Non ! c’est arrangé de mémoire et imité de sentiment.

LE DUC.

Et je parie qu’il a vendu pour une misère ses modèles et ses procédés ?

FLAMINIO.

Qu’importe, si ça m’a procuré une semaine d’indépendance et de sécurité ? Mes inventions suffisent à mes besoins.

LE DUC.

Oui ; mais l’invention s’épuise et les besoins restent. C’est justement pour ça que nous venons te dire que cette vie d’expédients n’a pas le sens commun.

Il s’assied à gauche de la table ronde.
FLAMINIO.

Ce n’est pas mon opinion ; je la trouve charmante.

GÉRARD.

C’est possible, mon cher ami ; mais vous touchez à une crise délicate, et vous ne devez pas vous endormir dans les douceurs du présent. Tenez, je serai franc avec vous ; je vous aime malgré…

FLAMINIO.

Malgré ?… Ah ! oui, je comprends !

GÉRARD.

Non, malgré rien. Et c’est plus que de la sympathie, à présent, c’est de l’estime sérieuse. Je craignais l’enivrement, l’inexpérience, un certain manque d’usage… Mais non ! du jour au lendemain, vous avez eu le sentiment parfait des plus saines convenances. (Gérard s’assied à droite ; Flaminio, sur le canapé.) Vous n’avez pas été seulement discret, vous avez été habile dans l’art si difficile de cacher le bonheur. Je vois que vous aimez en galant homme, et que, si les choses pouvaient durer ainsi, tout serait pour le mieux ; mais…

LE DUC.

Mais ça ne peut pas durer, sapristi ! l’amour ne vit pas longtemps de doux regards et de billets doux. Un beau jour, la passion, l’occasion…