Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/252

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KELLER.

Mon Dieu ! je ne la déteste pas, la musique ; ça me chatouille agréablement l’oreille comme à tout le monde ; mais, à l’heure de ma mort, je songerai à régler mes affaires plutôt qu’à rendre l’âme au son d’un violon. Car on m’a raconté des choses assez baroques là-dessus. C’était donc ce Favilla ? Voyons, dites-moi au juste comment ça s’est passé ; car vous y étiez, vous ?

FRANTZ, venant en scène.

C’est un triste souvenir pour moi, monsieur ; mais vous l’exigez…

KELLER.

Oui. (À part.) Je me méfie de ce Favilla, je ne sais pas pourquoi.

Il s’assied sur le grand fauteuil.
FRANTZ.

Eh bien, monsieur, c’était le 22 du mois dernier.

KELLER.

Oui, il y aura bientôt un mois.

FRANTZ.

M. le baron, qui avait pour habitude d’écouter la musique dans cette salle où nous voici, était assis sur le grand fauteuil où vous voilà…

KELLER, se levant.

Hein ?… Ah ! (Il repousse le fauteuil et prend un autre siège près du guéridon.) Continuez, monsieur Frantz.

FRANTZ, montrant le fond.

Nous étions là, dans la galerie, pour accompagner le chant principal, M. le baron ne voulant pas entendre les instruments de trop près, à cause de son état de faiblesse. Favilla, seul, était près de lui jouant le solo ; à la seconde reprise, Favilla ne joua pas. Je rentrai, étonné de ce silence : je trouvai les deux amis immobiles ; l’un était évanoui, l’autre…

KELLER.

Était mort ? À la bonne heure ! Mais, alors, comment et pourquoi ce… musicien s’est-il imaginé… ?