Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/281

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MARIANNE.

Ah ! mon ami, que dis-tu là ?

FAVILLA.

Que veux-tu ! ce Keller est un tracassier ! et Frantz est d’une faiblesse ! Croirais-tu qu’ils ont rogné la pension du pauvre Wolf ? C’est une vilenie, oui ! voilà le mot ! et c’est ainsi à propos de tout. Ils ont parlé de renvoyer Péters, parce qu’il est boiteux, et comme si j’avais besoin d’un coureur pour bêcher mon jardin ! Keller commande et Frantz obéit ; et, moi, je ne suis rien, je n’existe pas.

MARIANNE, s’appuyant sur une pile de livres.

Tiens, Favilla, tu n’es plus heureux ici.

FAVILLA, lui tendant la main.

Si fait ! où ne serais-je pas heureux auprès de toi ?

MARIANNE.

Mais tu l’étais davantage avant…

FAVILLA.

Oui, sans doute ! j’étais tout entier aux joies de la famille, aux rêves de la poésie ! À présent, il me faut songer à tant de choses et à tant de gens ! Il l’a voulu !… Mais, si la religion de l’amitié ne me fermait pas la bouche, je dirais que c’est bien cruel de sa part. Ça me va si peu, de surveiller, de commander, de gronder !… Pauvre cher Frantz, je lui ai parlé sévèrement tout à l’heure, je l’ai affligé : j’ai vu des larmes dans ses yeux ! lui qui nous aime tant ! Oui, oui, c’est cruel d’être obligé…

MARIANNE.

Tout cela te fait du mal… Il y aurait un remède… Ayant fait doucement le tour de la table, elle vient s’appuyer sur l’épaule de son mari.

FAVILLA.

Oui, se brouiller avec Keller, mais cela est impossible. (À part.) Ce pauvre Herman !

MARIANNE.

Absentons-nous. M. Keller ne sait pas vivre seul. Il s’ennuiera et il retournera à ses affaires.