Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/333

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Il est bien vrai que notre… que votre père a vendu toutes ses propriétés dans les derniers temps de sa vie, et qu’il en a reçu l’argent… oh ! beaucoup d’argent ! c’étaient des billets ; il y en avait très-épais ! C’était serré, serré, dans un grand portefeuille jaune, et il a mis cela avec bien de la peine dans une poche de sa redingote.

Daniel, cachant son trouble, serre comme malgré lui sa redingote contre ses flancs.
ADRIEN.

Je savais à peu près tout cela, Lucie. Le notaire, que j’ai vu ce matin, m’a dit avoir versé à mon père trois cent mille francs en billets de banque.

LUCIE.

Oh ! je n’ai jamais su combien il y avait… mais je sais qu’on m’a dit : « Tout cela, c’est pour toi ! »

ADRIEN.

Qui vous a dit cela, Lucie ? mon père, ou votre… ?

DANIEL.

Sa mère le lui disait sans cesse, et M. Desvignes le disait aussi ; il ne s’en gênait pas.

LUCIE.

M. Desvignes me l’a dit une fois, une seule fois !

ADRIEN.

Alors, c’était bien son intention de me déshériter ?

DANIEL.

Eh ! mais oui !…

LUCIE.

Attendez ! Le jour où il me dit, en me montrant le portefeuille : « Voilà qui te fera riche, Lucette ! » je me jetai à ses genoux et je lui dis : « Oh ! mon papa !… (C’était un nom d’amitié que je lui donnais, il le voulait absolument !) Mon cher papa, ne faites pas une pareille chose, ne me déshonorez pas. Si vous m’estimez, si vous m’aimez, ne me donnez rien ! Adrien me mépriserait si j’acceptais cela, et, moi, j’en mourrais ! Et puis songez à vous-même ! Dieu serait bien mé-