Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/338

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LUCIE.

Ah bien, oui ! mais nous n’avons pas grand’chose à nous deux, pour payer ! Tenez, voilà toute ma fortune !

DANIEL.

Une pièce de vingt francs ?… Et on dit qu’elle dépouille l’héritier ! Il est vrai que, lui,… il a encore moins : il n’a rien, jusqu’à présent !

LUCIE.

Il n’a rien ?… Mon Dieu ! comment donc faire ?

DANIEL.

Dame !… on verra, on tâchera… Je ne sais pas, moi !

Tourmenté, il a tiré un portefeuille de sa poche et l’a glissé à la dérobée dans une poche de la valise.
LUCIE.

Oh ! tâchez, mon bon Daniel, tâchez qu’il ne souffre pas ici, et qu’il ne soit plus si pressé de s’en aller. Songez donc, s’il part encore une fois, il ne reviendra peut-être jamais !

DANIEL.

Eh !… ce serait peut-être le mieux !

LUCIE.

Le mieux ! pouvez-vous dire cela ? Et la personne qui lui retient sa fortune, elle la gardera donc, si elle voit qu’il y renonce si aisément ?

DANIEL.

Le fait est qu’il n’a pas l’air d’y tenir beaucoup. Il ne mérite guère…

Il prend la valise sous son bras.
LUCIE.

Il ne mérite pas d’être heureux, parce qu’il est bon, désintéressé, noble ? Mais vous rêvez donc, Daniel ? Quoi ! vous excuseriez un abus de confiance ? vous ne maudiriez pas un fripon qui… ?

DANIEL, tressaillant et rejetant la valise sur la table.

Un fripon ?

LUCIE.

Mais oui, certes, un infâme ! Oh ! si je le connaissais…