Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/381

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persuadée qu’elle en a, votre dévouement fraternel sera un titre véritable à ses yeux.

URBAIN.

Mademoiselle de Saintrailles est une enfant.

CAROLINE.

Les enfants ont l’instinct du vrai. Fiez-vous aux dix-sept ans de mademoiselle Diane.

URBAIN.

Je ne connais pas mademoiselle Diane, et il m’est odieux que madame d’Arglade s’occupe de me marier.

CAROLINE.

Permettez-moi d’ignorer ce détail et de vous dire que je ne vois pas encore la nécessité d’infliger à madame votre mère deux chagrins à la fois : l’aveu de votre ruine, et celui de votre éloignement pour le mariage.

URBAIN.

Mon éloignement… a existé longtemps, c’est vrai. Mais je l’ai toujours dissimulé à ma mère.

CAROLINE.

Vous avez bien fait, vous avez senti que vous n’aviez plus le droit de briser en vous toutes les espérances de votre famille.

URBAIN, animé.

Ai-je donc résolu cela ? et, si je refusais d’épouser une personne qui ne me connaît pas et qui ne peut pas m’aimer, serais-je indigne de former des liens plus sages et plus chers ? Ne me jugez pas comme font les autres ; ne me prenez pas pour un homme bizarre. Je suis un homme timide, voilà tout ; peu satisfait de moi-même, et sachant fort bien que mes goûts sérieux sont une défaveur aux yeux du monde — car le monde n’aime pas qu’on lui préfère quelque chose — je n’aurai jamais la vaine prétention ni l’inutile désir de plaire à une femme du monde. J’ai toujours été très-malheureux, mademoiselle de Saint-Geneix ! C’est ma faute, à coup sûr. Je ne me plains ni des autres ni de la vie… mais je souffre de mon isolement et je ne peux pas en sortir par l’effort de