Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CHRÉMYLE.

Je n’en ai qu’un, un tout petit ; c’est toute ma joie, et je ne veux pas qu’il soit tué ou blessé !

MERCURE.

Tu as des neveux au moins ?

CHRÉMYLE.

Mes neveux m’aident à travailler ma terre : je ne puis m’en passer.

MERCURE.

Des serviteurs, alors ?

CHRÉMYLE.

Merci ! Je les ai payés à beaux deniers comptants, et j’irais vous les donner pour rien ?

MERCURE.

Écoute-moi, Chrémyle. Tout homme aspire à monter. L’esclave voudrait être affranchi, l’homme libre voudrait avoir le droit de cité. La république décerne de flatteuses récompenses à ceux qui lui font de généreux sacrifices.

CHRÉMYLE.

Je n’ai nulle envie d’être citoyen : ce sont des tracas, des impôts et des charges.

MERCURE.

Si tu ne veux pas d’honneurs, on te payera autrement. On te portera au rôle de ceux que la république promet de nourrir à ses frais.

CHRÉMYLE.

Je ne suis pas un indigent ! Je n’ai que faire de vos promesses, j’ai ce qu’il me faut pour mes vieux jours.

MERCURE.

Alors, tu es riche, et tu l’avoues. Eh bien, Chrémyle, tu vas être sommé de fournir une somme d’argent ou un homme pour le service de la patrie.

CHRÉMYLE.

Puisses-tu servir toi-même de pâture aux corbeaux ! Je vois qui tu es ; tu es un de ces sycophantes qui dénoncent les