Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/153

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que tout ce que vous avez reçu, tes camarades et toi, doit m’être restitué.

CARION.

Est-il possible, maître, que si vite vous soyez devenu si avare ? Vous ne savez déjà plus où serrer l’or et l’argent que Plutus fait sortir comme une sueur des murs de votre maison, et vous reprochée à de pauvres esclaves quelques trioboles que le dieu leur a permis de ramasser dans les ordures !

CHRÉMYLE.

Je ne suis point avare, et je ne vous reproche pas de fouiller dans les balayures ; mais vous prétendez tous vous racheter et ne plus travailler pour moi. Ceux que je mettrais à votre place feraient la même chose, je refuse de vous affranchir.

CARION.

Par mon ventre, cher maître, la loi nous protège, et tu ne peux aller contre ; mais je ne désire point te quitter, et je n’ai pas la vanité de me dire homme libre, pourvu que je le sois. Laisse-moi me coucher avec le soleil et dormir la grasse matinée, contenter tous mes appétits et folâtrer avec les servantes, au lieu de nettoyer ta chaussure et de fourbir ta batterie de cuisine. Traite-moi en bon camarade, fais-moi asseoir à tes côtés, et je ne demande pas mieux que de rester avec toi.

CHRÉMYLE.

Insolent ! Gare le fouet !

CARION.

Oh ! si vous parlez d’étrivières, je prends la fuite. J’ai de quoi me cacher et me nourrir en lieu sûr, et même de quoi payer le silence des espions.

CHRÉMYLE.

Mais voyez si cette richesse prodiguée à tout venant n’est pas une malédiction !

MERCURE.

De quoi te chagrines-tu, Chrémyle ? Ne dépend-il pas de