Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais, dès qu’on veut lui mettre un nom exact ou une saine notion dans la cervelle, c’est un idiot !

LE VOISIN.

Eh bien, cela devrait vous faire rire !

DURAND.

Ça me fait rire quand je suis en train de rire ! Croiriez-vous qu’il appelle le mica du nouhat et les encrinites des encritoires ?

LE VOISIN.

Et Louise, est-ce qu’elle y mord, à tous vos noms barbares ?

DURAND, avec feu.

Louise ! c’est un phénix d’intelligence, mon cher. Ah ! si je m’étais occupé plus tôt de l’instruire ! Je n’y songeais pas : pourvu qu’elle fût ma ménagère, je croyais qu’elle en saurait toujours assez ; mais ne voilà-t-il pas que tout dernièrement je m’avise de lui dire : « Que ne sais-tu pas un peu de minéralogie ! tu ferais de l’ordre dans mes matériaux, que je n’ai pas trop la patience de ranger, et que ce petit laquais me place de manière a représenter l’image du chaos primitif. » Eh bien, mon cher ami, vous me croirez si vous voulez, en trois mois, Louise, cette petite paysanne qui sait tout au plus lire et écrire proprement, s’est mise à étudier mon Index methodicus, vous savez, l’ouvrage élémentaire que j’ai publié l’année passée, et la voilà qui connaît les roches principales et une bonne partie de leurs modifications aussi bien que vous et moi.

LE VOISIN.

Aussi bien que moi ! merci. Je n’en sais et n’en veux pas savoir le premier mot. Pauvre fille ! cela doit bien l’ennuyer.

DURAND.

L’ennuyer, elle ?… Vous ne savez pas ce que c’est que Louise ! Quel trésor de dévouement, d’abnégation ! Pourvu qu’elle se rende utile, elle est heureuse, n’ayant pas d’autre idée, pas d’autre instinct que le désir de servir et de contenter ceux qu’elle aime.