Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/179

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DURAND.

Oh ! en ce cas, voisin, c’est pour le mieux ! Je n’ai pas de scrupule à hésiter.

LE VOISIN.

Dispensez-vous d’hésiter davantage ; ma nièce n’est pas pour vous. Je vais lui écrire sur l’heure de se décider pour un autre, en lui demandant pardon de la sotte démarche que mon amitié pour vous m’avait suggérée.

DURAND.

Oh ! si vous vous fâchez…

LE VOISIN.

Eh ! pardieu, oui, je me fâche ! J’en ai le droit.

DURAND.

Non.

LE VOISIN.

Si fait, et je suis bien aise de vous dire, en vous quittant, que vous gâtez à plaisir votre existence avec des billevesées ! Voilà un homme bien heureux et un citoyen bien utile, qui ne se plait qu’à remplir sa maison de pavés de rebut et de coquilles cassées ! Je vous avertis, moi, que vous ferez une sotte fin, que vous deviendrez un pédant ridicule, un cœur sec et frivole, un cerveau romanesque, un fantasque et un Cassandre !…

DURAND, riant.

Diable ! voilà bien des maux à la fois.

LE VOISIN.

Oui, oui, et que vous tomberez dans quelque déplorable folie, car l’homme est fait pour la famille, pour la société, et celui qui ne veut pas vivre comme les autres, celui qui n’a pas le goût des choses raisonnables… Je ne vous disque cela, monsieur Durand, je ne vous dis que cela, et souvenez-vous de ce que je vous dis ! (Il sort.) 40