Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/304

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de qualité, que vous sortez d’une famille huguenote persécutée en France, ruinée, bannie, et que vous avez été mise ici toute jeune au couvent par une vieille parente catholique qui paye votre pension.

SŒUR COLETTE.

Qui paye, qui paye… Depuis nombre d’années, la bonne dame ne paye plus et berce nos sœurs de la promesse d’une dot qu’elle donnera à Sylvie pour la faire entrer en religion.

SŒUU SYLVIE.

Et, pour ne point être congédiée par ces pauvres religieuses, à qui elle est une charge, Sylvie a consenti à prendre le voile de postulante. Mais la vieille parente, plus qu’économe, ne fera point de dot, et Sylvie n’a point de vocation. Protestante de cœur, et comme qui dirait de naissance, catholique par contrainte, elle est restée chrétienne, et rien de plus. Le moment arrive où la communauté, qui n’est point riche, va la sommer de s’engager ou de partir. Que ferat-elle ?

MARIELLE.

Elle a des talents, une noble éducation, un vaillant esprit… Oh ! j’y ai pris garde !… Elle quittera le couvent, où elle ne saurait contenter Dieu par un mensonge, et elle tâchera de vivre en travaillant. Ce n’est pas bien aisé à une femme… mais la liberté !

SŒUR COLETTE.

La liberté, la liberté ! on s’en lasse ! N’ai-je point été comédienne, moi, l’état le moins assujetti qu’il y ait sur la terre ? Eh bien, l’amour de Dieu m’a pourtant surpris le cœur un beau jour et jetée sans regret dans le cloître.

MARIELLE.

Mais tu avais déjà cinquante ans, ma sœur, quand l’amour de Dieu, la passion dernière des âmes tendres, te vint surprendre ainsi ? Mademoiselle n’a peut-être point la moitié de cet âge-là ?