Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/112

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— Comment ! en prison parce qu’elle est bonne ?

— Il paraît. Aussi, quand maman me dit d’être bonne, je lui réponds : Non, vous me feriez aller en prison aussi ! Je suis bien contente qu’elle m’a mise chez toi, maman ! Tu me garderas toujours, n’est-ce pas ?

Puis, sans attendre ma réponse, mademoiselle Ninie, que je retenais avec peine, s’envola pour courir de plus belle après les lapins. Je voyais une enfant déjà malheureuse et fourvoyée. Que sa mère fût avare et méchante, je n’en doutais plus. Il était même fort possible qu’elle ne vît dans sa fille qu’un prétexte pour disputer avec avidité l’héritage de Marie. Elle n’avait même pas la ressource de l’hypocrisie pour faire des dupes ; elle se faisait haïr, et déjà ses valets avaient ébranlé, sinon altéré à jamais le sens moral dans l’âme de la pauvre Ninie.

Je regardais avec tristesse cette ravissante créature, revêtue de toute la beauté physique de son heureux âge, et je me disais qu’il y avait déjà un ver rongeur dans le cœur de cette rose. Je l’observais pour surprendre ses instincts ; ils étaient bons et tendres. Elle courait après les lapins, mais pour les caresser, et quand elle eut réussi à en prendre un, elle le couvrit de baisers et voulut l’emmailloter dans son mouchoir pour en faire un petit enfant. Comme l’animal