Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/144

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serais mademoiselle de Nives, nous aurions un beau cadeau de noces à faire à la bonne nourrice. C’était tout simple, ça se devait ; mais je n’avais pas prévu que d’avance cette femme me ferait des conditions et voudrait me faire signer un billet de vingt-cinq mille francs. J’hésitai beaucoup ; d’une part, il me répugnait d’acheter mon mariage à une entremetteuse ; de l’autre, il me répugnait également de marchander l’honneur et le plaisir d’enlever ma future. Je crus m’en tirer en promettant de verser une somme ronde à Paris dès que j’y aurais conduit mademoiselle de Nives. Rien n’y fit : la Charliette ne voulait se prêter à l’enlèvement qu’avec son billet en poche. Je pris la plume, et je commençai à rédiger une promesse conditionnelle. Point, la Charliette voulait la promesse sans condition. Elle prétendait, et elle avait raison jusqu’à un certain point, qu’un engagement rédigé de cette façon était compromettant pour elle, pour son mari et pour moi-même. Je devais, disait-elle, m’en rapporter à sa délicatesse pour voir déchirer le billet, si le mariage n’avait point lieu ; mais moi, je ne pouvais me résoudre à risquer de perdre vingt-cinq mille francs sans compensation, et nous nous séparâmes à minuit sans avoir rien conclu, la Charliette me disant que l’enlèvement aurait lieu la nuit suivante, si je cédais à ses exigences.