Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les siens la réponse qu’il devait me faire. Ma femme avait toujours approuvé et souhaité ce mariage ; je fus donc extrêmement surpris lorsque, prenant la parole à la place de son fils, elle me dit d’un ton de reproche :

— En vérité, monsieur Chantebel, quand tu as quelque chose dans la tête, c’est comme un coin de fer dans un quartier de roche. Ne peux-tu laisser un moment de joie et de liberté à ce pauvre enfant, qui sort d’un travail écrasant et qui a tant besoin de respirer ? Faut-il déjà lui parler de se passer au cou la corde du mariage ?…

— Est-ce donc une corde pour se pendre ? répliquai-je un peu fâché ; s’en trouve-t-on si mal, et veux-tu lui faire penser que ses parents ne font point bon ménage ?

— Je sais le contraire, répliqua vivement Henri. Je sais qu’à nous trois nous ne faisons qu’un. Donc, si vous êtes deux pour désirer que je me marie tout de suite, je ne compte pas et ne veux pas compter ; mais…

— Mais si je suis tout seul de mon avis, repris-je, c’est moi qui ne compterai pas. Donc nous ne faisons pas un en trois, puisque nous ne sommes pas Dieu, et les choses se décideront entre nous à la majorité des votes.

— Sais-tu, monsieur Chantebel ? dit ma femme, qui ne manquait pas d’esprit dans l’oc-