Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/203

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mais je vous avais donné assez de preuves de mon dévoûment pour y avoir droit aussi.

— Tu oublies, Jacques, lui dis-je, que quand mademoiselle de Nives a besoin des gens, comme elle le dit elle-même, elle va droit à son but sans s’inquiéter des autres. Elle eût pu, sans doute, prendre ton bras pour venir regarder Léonie à travers la grille du parc, ou encore s’adresser à Henri, toi présent, et lui faire dans ce donjon des visites romanesques dont tu aurais constaté par toi-même l’indubitable innocence ; mais tout ceci eût moins bien réussi. Henri se fût méfié d’une personne présentée par toi, compromise par conséquent. Il eût raisonné et discuté, comme je discute en ce moment. Il était bien plus sûr de le surprendre, de lui donner un rendez-vous mystérieux, de se livrer à lui comme une colombe sacrée dont la pureté sanctifie tout ce qu’elle touche, enfin de lui ouvrir son cœur, libre de toute attache et de tout égard envers toi. L’expérience a prouvé que mademoiselle de Nives n’est pas si étrangère que l’on croit aux agissements de la vie réelle, et que, si elle ignore les souffrances qu’elle peut causer, elle devine et apprécie la manière de s’en servir.

— Henri ! s’écria mademoiselle de Nives, pâle et les dents serrées, partagez-vous l’opinion cruelle que votre père a de moi ?