Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/246

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— Veux-tu me permettre, répondis-je, de te donner, à propos d’amour, une leçon de haute philosophie pratique ?

— C’est ce que je te demande en te racontant mes angoisses.

— Eh bien ! il ne faut pas faire de confessions à sa femme. Un homme d’honneur ne trahit pas le secret des femmes, qui se sont confiées à lui, quand il y a eu secret, et, quand il n’y en a pas eu, il ne doit pas lui présenter le tableau de ses faciles triomphes. Ce sont des souffles grossiers qui flétrissent les fleurs d’une couronne de mariée. Quelques jeunes femmes ont la curiosité malsaine de connaître les mauvais côtés de notre passé. Imbécile est le mari qui les leur fait seulement entrevoir et qui apprend à sa compagne comment les autres trompent le leur. Je sais que l’homme vivement interrogé par ce gentil confesseur répugne à mentir ; je sais aussi que parfois il croit se racheter par des aveux et par des comparaisons à l’avantage de la femme légitime, sans songer qu’il s’amoindrit à ses yeux et détruit sa confiance dans l’avenir. Dans ces cas-là, il faut résolument nier tout, c’est humiliant, c’est le châtiment de nos fautes ; mais, pour ce qui te concerne, mon ami, tu n’auras pas cette mortification. Miette ne te l’imposera jamais. Elle est trop grande et trop sage pour cela. Elle a vingt-deux ans, elle devine ce qu’elle ne sait pas ;