Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/247

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puis, elle a une grande notion de l’égalité voulue entre époux, elle se dit que l’homme, grâce au développement donné à son intelligence par une éducation plus complète, est le guide naturel de la femme dans les choses de la vie, et que la femme par sa réserve, sa pureté, s’élève jusqu’à lui et mérite le respect de son maître. Il y a donc compensation. Tu t’es donné beaucoup de mal pour acquérir une certaine puissance intellectuelle. Miette s’en est donné pour garder intacte la buée d’innocence qui s’exhale des fruits exquis. Vous n’avez donc rien à vous reprocher mutuellement. Sans doute, comme tu me le disais l’autre jour, il vaudrait mieux s’unir aussi purs l’un que l’autre, et je ne prétends pas que tout soit pour le mieux dans les conditions de la vie conjugale ; mais il faut les accepter comme elles sont ou s’y soustraire absolument, ce qui est pire. Tâchons d’en tirer le meilleur parti, et de voir dans la compagne de notre vie un être dissemblable, mais égal à nous, puisque, s’il est faible par les côtés où nous sommes forts, il est fort par ceux où nous sommes faibles.

Délivré de ses secrètes anxiétés, Henri s’élança vers Émilie, qui passait, la tête chargée d’une corbeille de raisins mûrs. Si elle eût été coquette, elle n’eût pu imaginer une plus riche et plus heureuse coiffure. Les pampres délicats, marbrés de tons vifs, retombaient sur ses che-